J'ai déjà perdu Marie, plusieurs fois. Toute petite, dès qu'elle nous perdait de vue, elle se mettait à courir droit devant elle, persuadée que nous l'avions abandonnée, c'était impressionnant, je l'ai vue filer sous mes yeux un jour, elle devait avoir 4 ans ; parce qu'à cette époque, je ne la quittais plus des yeux lorsque je lui lâchais la main, je l'avais déjà perdue deux fois : à 2 ans 1/2, nous allions chercher son frère à son cours de musique, il avait oublié son pull dans la salle, je rentre donc 1 minute en demandant à Marie de rester là. Ne me voyant plus, elle est sortie avec d'autres mamans, dans la cour, puis dans la rue. Pendant ce temps, je la cherchais dans le hall, dans la cour, dans la cour basse, j'avais rameuté mes collègues tout proches… il s'est écoulé les 20 minutes les plus longues de ma vie. Un automobiliste, nous voyant tous affolés, nous demande si nous cherchons une petite fille, justement il y en a une à la brasserie du coin de la rue. Je me précipite, la patronne était en ligne avec le commissariat ! Un passant avait trouvé étrange cette petite pleurant toute seule dans la rue et l'avait déposée là car il était pressé.
Un an plus tard, une vendeuse de crêpes, dans les rues de Guérande, arrête une petite fille en larmes, qui courait droit devant elle, nous la cherchions depuis quelques minutes… à partir de ce jour, je n'ai cessé de lui expliquer que jamais nous ne la laisserions, que si elle ne nous voyait plus, elle devait rester sur place, attendre que nous venions la chercher, et je l'ai gardée à l'œil.
Cet après-midi, je laisse ma fille (très en retard, suite à divers contretemps indépendants de notre volonté) à l'école de musique, je réfléchis vite fait et lui dis que je viendrai la chercher après son cours car elle n'a pas les clés de la maison. Le moment venu, pas de Marie ! Normalement, son cours est terminé depuis 10 minutes, j'attends un long moment, puis je vais trouver son professeur qui me dit l'avoir vue partir à pied… très énervée, je saute en voiture et rentre à la maison : pas de Marie ! Je repars à l'école de musique, en pensant (à juste titre) qu'elle s'est souvenue que je devais venir la chercher : toujours aucune trace de ma fille… là, j'ai commencé à avoir vraiment peur : une jeune fille peut-elle disparaître en plein après-midi avec un violoncelle sur le dos ? Il faut savoir que le trajet piéton est assez court, traversant une résidence, longeant un petit bois et franchissant l'avenue sur une passerelle, tandis que les voitures font un large détour par deux ronds-points. À aucun moment piétons et automobilistes ne peuvent se croiser (la belle utopie des villes-nouvelles)
Durant un bon quart d'heure, j'ai imaginé le pire, me retenant d'appeler la police, me voyant annoncer la disparition à mon mari, en Inde pour 2 semaines… et quand ma fille est arrivée, j'ai déchargé sur elle ma colère, pleuré (elle aussi), et puis nous sommes sorties faire un tour en ville et tant pis pour le ménage pas fait et le planning chargé de l'après-midi !
En fin d'après-midi, c'est Aurore que j'avais perdue dans les méandres de l'école de musique, mais je ne me suis pas inquiétée, elle sait qu'elle doit toujours m'attendre, elle ! (en fait, elle avait été kidnappée par son professeur d'alto qui lui avait proposé d'écouter les grandes élèves au lieu de m'attendre dans le hall).
Et quelque chose me dit que je n'ai pas fini de m'inquiéter, hélas !